Depuis son indépendance en 1960, la Côte d’Ivoire a entretenu une relation privilégiée avec la France, ancienne puissance coloniale, tout en s’ouvrant progressivement aux États-Unis, à la Chine et plus récemment à la Russie. Les quatre pays projettent des stratégies différentes, entre économie, diplomatie, sécurité, culture et éducation, reflétant les recompositions en cours sur le continent africain.
Washington a longtemps maintenu une présence discrète à Abidjan, centrée sur la coopération économique et l’aide au développement. Mais la montée des menaces terroristes au Sahel a replacé la Côte d’Ivoire au cœur de la stratégie américaine en Afrique de l’Ouest. En 2025, Abidjan a accueilli l’exercice Flintlock, manœuvre majeure d’AFRICOM, alors que le départ des forces américaines du Niger incitait Washington à rechercher de nouveaux partenaires fiables.
Sur le plan économique, les échanges bilatéraux ont atteint près de 1,9 milliard de dollars en 2024, avec un déficit commercial en défaveur des États-Unis. L’accord MCC (Millennium Challenge Corporation), d’un montant de 536 millions de dollars, a financé des projets d’éducation et de transport, clôturé en août 2025 avant un nouveau programme régional axé sur l’énergie. Parallèlement, les programmes Fulbright offrent chaque année des bourses à des étudiants ivoiriens, consolidant un lien académique ancien.
La France demeure le premier partenaire politique et financier d’Abidjan, mais les bases de la relation se transforment. Le traité de défense de 2012 a remplacé les accords de coopération hérités de l’époque coloniale. En février 2025, la base militaire de Port-Bouët a été rétrocédée aux autorités ivoiriennes, un geste symbolique marquant la volonté d’Abidjan d’assumer davantage sa souveraineté, tout en maintenant une coopération opérationnelle avec Paris.
Sur le plan économique, la France reste un investisseur majeur : ses exportations vers la Côte d’Ivoire représentaient 1,3 milliard d’euros en 2024, malgré un recul de 5 % par rapport à 2023. L’Agence française de développement (AFD) gère plus de 3 milliards d’euros de projets en cours, allant des infrastructures urbaines à l’agriculture. Sur le plan culturel, l’Institut français d’Abidjan demeure un carrefour d’échanges, tandis que les restitutions patrimoniales, tel le tambour djidji ayôkwè, illustrent une volonté de renouveler la relation. L’enseignement supérieur reste un pilier : la France demeure la première destination des étudiants ivoiriens, selon Campus France.
Depuis le début des années 2000, Pékin a imposé son empreinte en Côte d’Ivoire à travers une diplomatie des infrastructures. Le deuxième terminal à conteneurs du port d’Abidjan, financé par un prêt chinois de près de 875 millions de dollars, symbolise ce partenariat. La modernisation de la route Abidjan–Grand-Bassam ou la construction d’usines de transformation du cacao complètent ce tableau.
La Chine se positionne aussi comme un partenaire éducatif et culturel. L’Institut Confucius ouvert en 2015 à l’Université Félix-Houphouët-Boigny attire un nombre croissant d’étudiants, tandis que des bourses permettent chaque année à des jeunes ivoiriens de poursuivre leur cursus en Chine. Contrairement aux États-Unis ou à la France, la Chine investit peu dans la coopération militaire, préférant concentrer son influence sur le commerce, les prêts et l’appui technique.
La Russie, longtemps marginale, cherche à s’affirmer en Côte d’Ivoire à travers le commerce et la diplomatie. Les échanges bilatéraux ont progressé, atteignant environ 337 milliards de francs CFA en 2023, principalement autour des céréales et des produits énergétiques. Moscou cultive aussi un lien éducatif : plusieurs dizaines d’étudiants ivoiriens bénéficient chaque année de bourses d’État pour poursuivre leurs études dans des universités russes.
Sur le plan sécuritaire, aucun accord militaire majeur n’a été officialisé, mais la Russie tente d’accroître son influence dans la région par des canaux informels, notamment dans le domaine de l’information et de la communication. Cette approche suscite autant d’intérêt que de méfiance dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et la concurrence entre puissances sur le continent africain.
Pour Abidjan, l’enjeu consiste à tirer parti de cette pluralité de partenariats sans perdre en autonomie. Si la France et les États-Unis demeurent des partenaires stratégiques, la Chine apparaît comme un acteur incontournable des grands projets économiques, tandis que la Russie tente de se frayer une place. Cette diversification reflète la volonté de la Côte d’Ivoire de s’inscrire dans un monde multipolaire, tout en préservant ses marges de manœuvre face aux rivalités géopolitiques.