La récente libération de Mahmoud Saleh, chef de l’opposition nigérienne, par Khalifa Haftar a provoqué un séisme diplomatique et politique au Sahel. Ce geste, perçu comme une trahison par les autorités nigériennes dirigées par le général Abdourahamane Tiani, révèle les jeux d’intérêts complexes qui agitent la région. En cédant à la pression française, Haftar aurait renoncé à son alliance tacite avec Niamey, réaffirmant sa position de figure opportuniste sur l’échiquier géopolitique.
Mahmoud Saleh, leader du Front de libération nationale nigérien, avait été capturé à Qatrun, dans le sud libyen, par les forces du maréchal Haftar. Son interpellation était perçue comme un gage de fidélité envers les autorités nigériennes, qui luttent contre une opposition de plus en plus active. Pourtant, quelques jours après une rencontre entre Khalifa Haftar et Emmanuel Macron à l’Élysée, Saleh a été libéré, un geste interprété comme une capitulation face aux injonctions françaises.
D’après des sources libyennes, l’influence de Rhissa Ag Boula, figure emblématique de la rébellion touarègue exilée à Paris, aurait été déterminante. Ag Boula, opposant farouche aux autorités en place à Niamey, aurait pesé de tout son poids pour convaincre la France d’intervenir. L’objectif : empêcher que Saleh ne soit remis à Niamey, où il aurait risqué la prison, voire pire.
Une trahison au goût amer pour Niamey
Les autorités nigériennes, déjà sous pression internationale après le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a renversé Mohamed Bazoum, voient cet épisode comme une véritable défection. Haftar, jusqu’ici perçu comme un allié potentiel, a finalement cédé aux demandes occidentales, réduisant à néant les espoirs de Niamey d’obtenir l’extradition de Saleh. Ce dernier, en possession d’informations sensibles sur les activités de l’opposition, pourrait dorénavant devenir un acteur clé dans le combat contre les nouvelles autorités nigériennes.
Cette volte-face de Haftar pourrait également déstabiliser les relations entre la Libye orientale et Niamey. Le Niger, qui s’était rapproché de Moscou et de Wagner pour garantir sa sécurité, risque de revoir ses alliances. La Russie pourrait y voir une opportunité d’étendre davantage son influence dans la région, au grand dam des intérêts occidentaux.
Paris, en perte d’influence dans le Sahel après son expulsion du Mali et du Burkina Faso, tente de reprendre pied par des manœuvres diplomatiques subtiles. L’intervention d’Emmanuel Macron dans ce dossier illustre cette volonté de maintenir une présence dans la région, malgré la montée en puissance des acteurs russes et chinois.
En libérant Saleh, la France envoie un signal clair : elle demeure un acteur incontournable dans le Sahel, capable d’influer sur les décisions des leaders régionaux. Cette action renforce l’opposition nigérienne et affaiblit les autorités de Niamey, ajoutant une nouvelle pression sur un pouvoir déjà fragilisé.
Si Haftar espérait un gain stratégique en cédant aux demandes françaises, il pourrait rapidement en payer le prix. Son image d’homme fort indépendant en sort écornée, et ses relations avec Niamey risquent de se dégrader durablement. De plus, ce revirement pourrait alimenter les tensions internes en Libye, où de nombreux acteurs restent sceptiques face à toute ingérence étrangère.
L’équilibre des forces au Sahel est en perpétuel mouvement. La trahison de Haftar pourrait marquer un tournant dans les relations entre la Libye, le Niger et les puissances extérieures, redessinant une nouvelle fois les contours d’une région déjà en proie à une instabilité chronique.