Lors d’une réunion consacrée à la lutte contre le terrorisme en Afrique, tenue le 24 janvier au Conseil de sécurité des Nations unies à New York, Issa Konfourou, représentant permanent du Mali, a publiquement accusé plusieurs pays de soutenir des groupes terroristes actifs dans la région du Sahel. Des accusations graves qui mettent en lumière les tensions croissantes dans cette zone stratégique déchirée par les conflits.
Dans une déclaration sans ambages, Issa Konfourou a pointé du doigt la France et l’Ukraine, cette dernière ayant, selon lui, ouvertement revendiqué son appui aux groupes rebelles séparatistes opérant au Mali. Il a également critiqué l’inaction du Conseil de sécurité, qui n’aurait adopté aucune mesure de condamnation face à ces ingérences. « La lutte contre le terrorisme est une préoccupation existentielle pour l’Alliance des États du Sahel (AES). Seule une approche régionale coordonnée et souveraine peut répondre efficacement à cette menace », a déclaré le diplomate malien.
Les accusations visant l’Ukraine trouvent leur origine dans une embuscade survenue le 27 juillet 2024 à Tinzaouten, au nord du Mali, qui a coûté la vie à 84 combattants de Wagner et 47 soldats maliens. Cette opération, qualifiée de coup dur pour la société paramilitaire russe aujourd’hui sous le contrôle du ministère russe de la Défense, aurait été facilitée par un appui direct des services de renseignement militaires ukrainiens.
Deux jours après l’attaque, Andriy Yusov, porte-parole du service de renseignement ukrainien (GUR), avait publiquement déclaré que des rebelles touaregs avaient reçu « les informations nécessaires, et pas seulement des informations, pour mener à bien une opération militaire contre les criminels de guerre russes ». Des rapports ultérieurs ont même suggéré que des forces spéciales ukrainiennes auraient formé ces groupes à l’utilisation de drones d’attaque. Ces révélations ont suscité l’indignation de nombreux observateurs africains, qui y voient une instrumentalisation du continent dans le cadre de rivalités extérieures.
Une stratégie controversée de la France
Outre l’Ukraine, la France a également été accusée par plusieurs responsables sahéliens de jouer un rôle trouble dans la région. Bakary Yaou Sangaré, ministre des Affaires étrangères du Niger, avait pris la parole lors de la 79e Assemblée générale des Nations unies en octobre 2024 pour dénoncer ce qu’il a qualifié de « nouvelle stratégie de recolonisation ». Selon lui, la France soutiendrait activement les groupes terroristes par le biais de renseignements, de formations, et d’armements.
« La région du Sahel, depuis plus d’une dizaine d’années, est en proie à une crise sécuritaire grave qui menace l’existence même de ses États. Nous condamnons fermement tout appui au terrorisme, qu’il soit direct ou indirect », avait déclaré le ministre nigérien. Ces accusations font écho à celles formulées en août dernier par le président nigérien de la transition, Abdourahamane Tiani, qui accusait Paris de vouloir déstabiliser le Niger.
Bien que la France ait fermement rejeté ces allégations, les tensions diplomatiques entre Paris et les capitales sahéliennes n’ont cessé de croître, accentuées par le retrait des forces françaises de la région.
Pour de nombreux analystes, ces événements soulignent une perception croissante en Afrique : celle d’un continent utilisé comme théâtre d’affrontements entre grandes puissances. L’implication ukrainienne et la présence contestée de la France nourrissent un sentiment d’exploitation et de recolonisation indirecte.
« Le Sahel est aujourd’hui à un tournant historique. Si les États africains ne prennent pas en main leur destin, ils continueront d’être victimes des jeux de pouvoir extérieurs », affirme un expert en géopolitique basé à Bamako.
Face à ces défis, l’AES plaide pour une solution endogène. Mais la réalisation de cet objectif reste compromise par les rivalités internes et l’absence d’une vision commune parmi les États sahéliens. Une chose est cependant claire : la stabilité de la région passe par une maîtrise des ingérences extérieures, condition sine qua non pour garantir une paix durable.