Pékin mise sur Rabat pour étendre la « Route de la Soie numérique » au continent africain, tout en concurrençant les technologies européennes et américaines.
Dans l’échiquier de la transformation numérique mondiale, la Chine envisage le Maroc comme un pilier incontournable pour la diffusion de sa « Route de la Soie numérique » sur le continent africain. Cette initiative, volet technologique de la vaste stratégie de la « Ceinture et la Route » lancée en 2013, vise à construire des réseaux commerciaux et économiques reliant l’Eurasie, l’Afrique et l’Amérique latine.
Déjà partenaire préférentiel de la Chine, le Maroc s’impose comme un modèle pour les infrastructures numériques que Pékin espère étendre à d’autres états africains. Le Royaume est en effet désigné comme la locomotive de cette Route de la Soie numérique, rejoignant ainsi les pays bénéficiaires tels que l’Afrique du Sud, le Kenya ou encore le Sénégal.
Des projets d’ampleur illustrent cette stratégie : réseaux de communication sans fil, satellites, câbles sous-marins et technologies basées sur l’intelligence artificielle sont déployés pour assoir la présence chinoise sur le marché technologique africain. En toile de fond, l’ambition de créer un écosystème numérique compétitif, capable de rivaliser avec les offres européennes et américaines.
Un pari géopolitique à haut potentiel
Cette démarche ambitieuse s’inscrit dans le cadre de l’accord signé en 2022 entre le Maroc et la Chine pour l’activation de la Ceinture et la Route. Premier pays du Maghreb à rejoindre cette initiative, le Maroc offre à la Chine une plateforme géostratégique unique. Selon un rapport publié par l’Observer Research Foundation, l’expansion marocaine de la marque Belt and Road se manifeste par des investissements massifs dans les réseaux à haut débit, les centres de commerce électronique et les villes intelligentes. Ces avancées sont pilotées par des géants technologiques chinois tels que Huawei et ZTE, dont les solutions sont présentées comme plus accessibles que celles des concurrents occidentaux.
Le Royaume bénéficie également d’atouts naturels et politiques. Sa position à l’intersection de l’Europe méditerranéenne, de l’Afrique subsaharienne et de l’Atlantique en fait un carrefour stratégique. Cette configuration, associée à une économie stable et à des ressources humaines qualifiées, renforce l’attrait du Maroc dans les ambitions géoéconomiques chinoises.
L’essor d’un hub africain
Interrogé sur cette collaboration, Nasser Bouchiba, président de l’Association de coopération afro-chinoise pour le développement, qualifie le Maroc de « point de départ stratégique pour l’extension de la Route de la Soie numérique vers l’Afrique du Nord et subsaharienne ». Selon lui, le Royaume joue un rôle central dans la diffusion de l’économie numérique en Afrique de l’Ouest, une position renforcée par des relations bilatérales solides et une vision partagée pour le développement technologique.
Outre ces atouts géographiques et culturels, le Maroc peut compter sur ses plans de développement nationaux, qui s’alignent parfaitement avec les objectifs de l’initiative chinoise. À l’heure où les pays occidentaux imposent des restrictions croissantes sur les produits chinois, le Maroc émerge comme un partenaire privilégié dans la stratégie d’expansion de Pékin.
En conclusion, la Route de la Soie numérique ne se résume pas à un simple transfert technologique. Elle représente une réorganisation des équilibres géoéconomiques, où le Maroc se positionne en véritable carrefour pour une Afrique en pleine transformation numérique. Un rôle d’avant-garde qui promet de redéfinir les relations Sud-Sud tout en plaçant le Royaume au cœur des stratégies technologiques mondiales.