Auteurs : Mohamed Ould El-Ghazaouani, Mahamat Idriss Déby, Ousmane Diagana*
Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons porter notre attention sur la pastorale à travers le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. S’étendant de la Mauritanie et du Sénégal sur la côte atlantique à la vallée du Nil au Soudan, le Sahel est un carrefour de cultures et un couloir de mouvement, où les échanges commerciaux et d’idées sont constants. Cette région soutient la vie de quelque 212 millions de personnes, et sa stabilité affecte non seulement les nations à l’intérieur de ses frontières, mais aussi l’économie et la sécurité plus larges de l’Afrique de l’Ouest.
Pourtant, depuis les années 1970, le Sahel a été confronté à un éventail troublant de crises entrelacées : sécheresses dévastatrices, crues soudaines, invasions de criquets et désertification aggravée. Les effets sont palpables – les crises alimentaires d’aujourd’hui et l’aggravation de la pauvreté sont aggravées par l’infénsification de l’insécurité. Au cours des six premiers mois de 2024, plus de 3 000 civils ont été tués dans des violences à travers le Sahel, soit une augmentation de 25 % par rapport à la période précédente. Et pendant que nous écrivons, les inondations déplacent plus de 2,5 millions d’habitants et ont déjà fait 900 morts.
Herers : figures emblématiques et champions de la résilience sahélienne
Dans ce paysage assiégé, la résilience des sociétés sahéliennes est sévèrement mise à l’épreuve par les effets en cascade des crises multiples. Les vastes territoires habités par des communautés pastorales sont confrontés à des pressions croissantes dues à l’expansion des activités agricoles, à la croissance démographique rapide et à l’insécurité incessante qui traverse les frontières, intensifiant la stigmatisation des bergers.
Pourtant, ces bergers, figures emblématiques du Sahel, sont remarquablement placés pour s’adapter au paysage changeant de la région. Leur flexibilité unique dans divers contextes et leur habileté à exploiter les ressources naturelles disponibles en font des champions de la résilience dans tous les sens du terme. En renforçant leur capacité d’adaptation, nous améliorons non seulement leur qualité de vie, mais nous contribuons également à la prospérité économique et sociale des communautés sahéliennes.
Un puissant moteur de l’intégration régionale
Le pastoralisme a une valeur économique importante pour le Sahel. Ce mode de vie fournit 90 % de la viande rouge de la région et 70 % de son lait, ce qui profite directement à plus de 20 millions de personnes. L’pastoralisme joue également un rôle essentiel dans la gestion durable des ressources naturelles et la lutte contre le changement climatique sur 3 millions de kilomètres carrés. En outre, il crée des opportunités de revenus qui relient les pays sahéliens, stimulant l’intégration économique et la stabilité au-delà des frontières.
En 2013, les nations sahéliennes, ainsi que des partenaires, ont établi les déclarations de N’Djamena et de Nouakchott, s’engageant à revitaliser le pastoralisme. Aujourd’hui, avec plus d’un milliard de dollars investis, nous pouvons apprécier plusieurs réalisations : l’amélioration de l’infrastructure de production et de commercialisation du bétail, une meilleure santé animale, une gestion renforcée des ressources naturelles et une inclusion sociale accrue des pasteurs, y compris les femmes et les jeunes.
Pourtant, l’image est mitigée. L’insécurité continue de croître, la violence prolifère, les terres pastorales rétrécissent et les pressions de l’urbanisation rapide s’intensifient. Malgré des progrès remarquables, beaucoup de nos objectifs initiaux restent non atteints et de nouveaux obstacles continuent de faire surface.
De la « transhumance paisible » aux « territoires paisibles »
Malgré ces défis, l’pastoralisme et la mobilité restent essentiels au développement rural au Sahel et au-delà, s’étendant aux nations côtières de l’Afrique de l’Ouest. Soutenir l’élevage nécessite des réformes réfléchies de la gouvernance dans le secteur de l’élevage. L’pastoralisme, traditionnellement considéré dans des limites géographiques et sectorielles étroites, doit maintenant être recadré. Nous devons passer d’une vision limitée de la « transhumance paisible » à une vision plus large des « territoires paisibles » qui soutiennent les moyens de subsistance, la mobilité et le bien-être communautaire.
Le prochain forum de Nouakchott présente une occasion inestimable d’apporter une énergie nouvelle à ce secteur critique. Ici, les dirigeants, les experts en politiques et les partenaires de développement exploreront des solutions innovantes pour revitaliser l’pastoralisme, non seulement au Sahel, mais dans toute l’Afrique de l’Ouest. Alors que nous faisons face à un avenir dans lequel la population du Sahel atteindra près de 514 millions d’ici 2030, notre engagement à soutenir la pastorale est plus crucial que jamais. Nous devons agir maintenant pour construire un avenir pacifique et prospère pour tous.
*Mahamat Idriss Déby, président de la République du Tchad, Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre
Cet éditorial ouvert a été publié à l’origine dans Jeune Afrique, via la Banque mondiale